Gilles Buna restera dans les mémoires comme l’un des pionniers de l’écologie politique à Lyon. Décédé à l’âge de 73 ans après une longue maladie, cet homme politique discret mais déterminé a profondément marqué le paysage urbain lyonnais. Durant ses vingt années d’engagement, il a œuvré pour concilier le développement de la ville avec une véritable transition environnementale, laissant derrière lui un héritage durable pour les générations futures.
Portrait d’un écologiste visionnaire
Né en 1951, Gilles Buna était bien plus qu’un simple homme politique. Professeur en section d’éducation spécialisée, son parcours militant a débuté très tôt avec son engagement pour la décolonisation au sein du mouvement « Information pour les droits du soldat ». Son ancrage à gauche s’est ensuite confirmé au PSU (Parti Socialiste Unifié), où il a développé ses convictions politiques avant de se tourner vers l’écologie à la fin des années 1980. Habitant des Pentes de la Croix-Rousse, il s’est également investi dans plusieurs associations locales, luttant notamment contre l’habitat insalubre et les marchands de sommeil.
Ce parcours riche et engagé l’a naturellement conduit à rejoindre les rangs des Verts, où il s’est distingué par sa vision pragmatique et sa volonté de faire de l’écologie une force politique capable d’agir concrètement. En 1995, sa rencontre avec Gérard Collomb marque un tournant décisif : ensemble, ils forment une alliance qui servira de modèle à la « Gauche plurielle » au niveau national et permettra à Lyon de connaître une transformation urbaine majeure sous le signe de l’écologie.
Qu’est-ce que Gilles Buna a apporté à la ville de Lyon ?
Gilles Buna a joué un rôle déterminant dans la transformation écologique de Lyon. En tant qu’adjoint à l’urbanisme de Gérard Collomb pendant deux mandats, tant à la Ville qu’à la Métropole, il a porté des projets ambitieux qui ont profondément modifié le visage de la cité. Son influence a été particulièrement notable sur des projets emblématiques qui ont transformé plus de 100 hectares d’espaces urbains en zones plus vertes et plus agréables pour les habitants. Son approche visionnaire a permis de répondre aux défis environnementaux tout en améliorant la qualité de vie des Lyonnais, prouvant que développement urbain et écologie pouvaient aller de pair.
Le réaménagement des Berges du Rhône
L’un des projets phares de Gilles Buna reste sans conteste le réaménagement des Berges du Rhône. Cette transformation radicale a permis de convertir d’anciens parkings en une promenade verdoyante de 5 kilomètres le long du fleuve. Ce projet, achevé en 2007, a redonné le fleuve aux Lyonnais et créé un espace de détente et de loisirs qui accueille aujourd’hui plus de 15 000 visiteurs quotidiennement pendant la belle saison. Malgré les critiques initiales, notamment de Dominique Perben qui qualifiait ce choix de « connerie », le succès indéniable de ce réaménagement a validé la vision écologique de Buna et convaincu même les plus sceptiques de l’importance de réintroduire la nature en ville.
Le quartier de la Confluence
Sous la houlette de Gilles Buna, le quartier de la Confluence est devenu un laboratoire d’innovations écologiques. Avec le soutien du programme européen Concerto, ce projet d’envergure a permis la reconversion de 150 hectares d’anciennes friches industrielles en un écoquartier modèle. Les bâtiments y consomment en moyenne 40% d’énergie en moins que les constructions traditionnelles, grâce à des solutions innovantes en matière d’isolation et d’énergies renouvelables. Ce projet ambitieux, qui se poursuit encore aujourd’hui, témoigne de la vision à long terme que portait Gilles Buna pour Lyon.
Où Gilles Buna a-t-il exercé ses responsabilités politiques ?
Le parcours politique de Gilles Buna est intimement lié à la ville de Lyon, où il a occupé des fonctions clés pendant plus de deux décennies. Son ancrage territorial, particulièrement dans le 1er arrondissement, a fait de lui un élu de proximité, attentif aux préoccupations des habitants tout en portant une vision globale pour la métropole. Cette double dimension lui a permis d’impulser des changements significatifs à différentes échelles de gouvernance.
Maire du 1er arrondissement de Lyon
C’est en 1995 que Gilles Buna devient maire du 1er arrondissement de Lyon, un quartier historique aux fortes particularités sociales et culturelles. Durant son mandat qui s’étendra jusqu’en 2001, il s’attache à préserver l’identité des Pentes de la Croix-Rousse tout en modernisant le quartier. Il transforme notamment la commémoration de la rafle Sainte-Catherine en une véritable cérémonie républicaine pour rappeler les ravages de l’antisémitisme. Son engagement contre les discriminations le pousse également à soutenir la première Gay Pride lyonnaise, à une époque où la municipalité barriste refusait la délivrance de certificats de concubinage aux couples homosexuels. Son action à la tête du 1er arrondissement touche près de 30 000 habitants et pose les bases de ses futurs engagements écologiques à l’échelle de la ville.
Adjoint à l’urbanisme et vice-président à la Métropole
À partir de 2001, avec l’élection de Gérard Collomb comme maire de Lyon, Gilles Buna accède à des responsabilités plus importantes en devenant adjoint à l’urbanisme et au développement durable. Ce poste stratégique, qu’il occupera également à la Métropole en tant que vice-président, lui permet d’influencer profondément le développement urbain de l’agglomération. Il supervise alors des projets touchant plus de 500 000 habitants, gérant un budget annuel d’investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros. Sa gestion rigoureuse de ce poste sensible, sans aucun scandale à déplorer, témoigne de son intégrité et de son professionnalisme, qualités rares dans le monde politique.
Quand Gilles Buna a-t-il marqué un tournant dans la politique écologique lyonnaise ?
L’impact de Gilles Buna sur la politique écologique lyonnaise s’est manifesté à des moments clés qui ont correspondu à des évolutions importantes dans la perception de l’écologie par le grand public. En anticipant les préoccupations environnementales qui allaient devenir centrales dans le débat public, il a positionné Lyon comme une ville pionnière en matière de développement durable. Cette vision s’est concrétisée par des décisions courageuses et des projets innovants qui continuent d’inspirer les politiques urbaines actuelles.
L’alliance avec Gérard Collomb en 1995
Le tournant décisif dans la carrière politique de Gilles Buna intervient en 1995, lorsqu’il forme une alliance historique avec Gérard Collomb pour les élections municipales. Cette alliance, qui permet à la gauche de remporter trois arrondissements face à la droite, préfigure la stratégie de la « Gauche plurielle » qui conduira Lionel Jospin au pouvoir deux ans plus tard. À cette époque, les élus écologistes se comptent sur les doigts d’une main en France, et Buna devient l’un des principaux représentants de ce courant politique émergent. Cette alliance permet aux idées écologistes de pénétrer les institutions locales, avec 15% des sièges au conseil municipal occupés par des élus verts, une première dans une grande ville française.
La période 2001-2012 : l’écologie en action
C’est véritablement entre 2001 et 2012, pendant les deux premiers mandats de Gérard Collomb, que Gilles Buna parvient à concrétiser sa vision écologique pour Lyon. Durant cette période, il convainc le maire que l’écologie représente une « tendance lourde » et non un simple effet de mode. Cette conviction se traduit par des réalisations concrètes : création de corridors verts reliant les espaces naturels, développement d’une trame bleue pour préserver la biodiversité aquatique, aménagement de nouveaux parcs comme celui du Sergent Blandan dans le 7e arrondissement, et interdiction des produits phytosanitaires dans les espaces publics, plusieurs années avant que cela ne devienne une obligation légale. Ce dernier projet a permis de réduire de 90% l’utilisation de produits chimiques dans l’entretien des espaces verts de la ville.
Comment Gilles Buna a-t-il transformé l’urbanisme lyonnais ?
L’approche de Gilles Buna en matière d’urbanisme a été caractérisée par une vision holistique, alliant esthétique, fonctionnalité et préoccupations environnementales. Loin des dogmatismes, il a su adapter ses principes écologiques aux réalités du terrain, faisant preuve d’un pragmatisme qui lui a permis de mener à bien des projets ambitieux. Sa méthode, basée sur la concertation et l’expérimentation, a ouvert la voie à un urbanisme plus respectueux de l’environnement tout en répondant aux besoins des habitants.
Une approche pragmatique de la densification urbaine
Contrairement à certains écologistes, Gilles Buna n’était pas opposé par principe aux immeubles de grande hauteur dans les quartiers d’affaires. Pour lui, la densification verticale constituait un moyen efficace de lutter contre l’étalement urbain, responsable de la consommation excessive d’espaces naturels et de l’augmentation des déplacements motorisés. Cette vision l’a conduit à promouvoir la concentration de l’habitat autour des gares et des nœuds de transport en commun, anticipant de 15 ans les principes qui seront plus tard formalisés dans le concept de « ville du quart d’heure ». Grâce à cette approche, la densité urbaine a augmenté de 10% dans les quartiers centraux de Lyon, tout en améliorant la qualité de vie des habitants.
L’expérimentation comme méthode d’innovation
La transformation du plateau de la Duchère en écoquartier labellisé illustre parfaitement la méthode de Gilles Buna. Ce projet de renouvellement urbain, touchant plus de 12 000 habitants, a permis d’expérimenter de nouvelles approches en matière de construction durable, de gestion de l’eau et d’espaces partagés. Les techniques développées dans ce quartier ont ensuite été déployées dans d’autres projets urbains de la métropole, créant un effet démultiplicateur. Voici quelques innovations qui ont émergé de cette démarche expérimentale :
- Système de récupération des eaux pluviales réduisant de 40% la consommation d’eau potable dans les espaces verts
- Toitures végétalisées sur 30% des nouvelles constructions
- Utilisation de matériaux biosourcés dans 25% des bâtiments
- Création d’espaces publics favorisant la mixité sociale et intergénérationnelle
- Développement de solutions de mobilité douce avec 15 km de pistes cyclables
Pourquoi Gilles Buna reste-t-il une source d’inspiration ?
L’héritage de Gilles Buna dépasse largement ses réalisations concrètes. Son influence se mesure également à l’aune des valeurs qu’il a incarnées et transmises, ainsi que des méthodes de travail qu’il a initiées. Aujourd’hui, alors que les défis environnementaux sont plus pressants que jamais, sa vision pionnière et son approche pragmatique continuent d’inspirer les nouvelles générations d’élus et d’urbanistes, à Lyon comme ailleurs. Son parcours démontre qu’il est possible de concilier convictions écologiques et action politique efficace.
Un modèle d’intégrité politique
Dans un paysage politique souvent marqué par les scandales et les compromissions, Gilles Buna s’est distingué par son intégrité et sa fidélité à ses valeurs. Tout au long de sa carrière, il a su rester authentique, conservant son style vestimentaire particulier (veste à rayures et gilet) et ses habitudes (comme ses gros cigares ou sa sacoche remplie de dossiers) qui le rendaient immédiatement reconnaissable. Cette authenticité, couplée à une gestion irréprochable de ses responsabilités, lui a valu le respect de ses adversaires politiques et la confiance des citoyens. Selon un sondage réalisé en 2010, il figurait parmi les trois élus lyonnais les plus appréciés, avec un taux de satisfaction de 68% parmi les habitants interrogés.
L’écologie comme projet de société
Ce qui distinguait fondamentalement Gilles Buna de nombreux autres écologistes de son époque était sa conception de l’écologie comme un véritable projet de société, dépassant la simple protection de l’environnement. Loin du cliché de « l’écolo-bobo vegan, ascète, svelte et cycliste » qu’il ne correspondait pas, il a su démontrer que l’écologie pouvait être portée par des personnalités diverses et s’adresser à tous les citoyens, quelle que soit leur origine sociale. Cette vision inclusive et pragmatique a contribué à légitimer l’écologie politique dans le débat public et à préparer le terrain pour les générations suivantes d’élus écologistes.
L’annonce de son retrait de la vie politique en décembre 2012 pour raisons de santé, dans une interview accordée à Mag2Lyon, avait déjà suscité de nombreux hommages. Aujourd’hui, son décès à l’âge de 73 ans marque la disparition d’une figure essentielle de la politique lyonnaise. Comme l’a si bien résumé Bruno Bernard, actuel président de la Métropole de Lyon : « Gilles Buna a été l’une des grandes figures lyonnaises de l’écologie et le premier à mettre ses idées en pratique en acceptant de prendre des responsabilités politiques importantes. Il a été et reste une source d’inspiration pour nous. » Son héritage continuera à influencer l’avenir de Lyon pour les décennies à venir.